Musiques trad’, la grande alchimie multi-culturelle

La musique traditionnelle a-t-elle sa place dans les salles de musiques actuelles ?

À première vue, les deux termes semblent antinomiques : la « musique trad’ », comme vestige du passé, ses codes ancrés et ses danses consacrées, ne rimerait en aucun cas avec l’effervescence d’une SMAC et son exigence de nouveauté. En organisant deux soirées étonnantes et détonantes de musiques traditionnelles, le fil affirme sa volonté de casser ces lieux communs et encourager les pluralités musicales.

Rock psyché, musique répétitive et tarentelles italiennes

Cette double programmation s’ouvrira le 20 avril avec le Bal Barré, nom de la mini-tournée réunissant trois groupes, qui se produiront à La Maroquinerie (Paris), au fil, et à la Coopérative de Mai de Clermont-Ferrand, à l’origine du projet. Une soirée hybride célébrant un croisement d’esthétiques, avec Brama, trio de rock psychédélique revisitant le répertoire traditionnel du Massif Central, Radio Tutti & Barilla Sisters, mêlant mambo ou encore hip-hop aux tarentelles italiennes, et Super Parquet, fusionnant la musique trad du centre France à une musique expérimentale répétitive. Trois projets singuliers qui se retrouvent dans l’exploration des genres et leur fusion, l’utilisation conjointe d’instruments et d’électronique, et dans leurs réinterprétations personnelles de la musique traditionnelle. Comme l’explique Julien Baratay, membre du groupe Super Parquet :

« il faut faire la distinction entre le folklore, qui est une perception d’une image arrêtée du passé, recréer le passé tel qu’on pense qu’il l’était, et le traditionnel, qui est une culture en mouvement. La musique trad’ est le fondement des musiques populaires, une musique pratiquée par le peuple, de tradition orale, parallèlement à la musique classique, savante, écrite, pratiquée par les érudits. »

Un musique en constant mouvement

Bien loin d’être figée, la musique traditionnelle poursuit donc un perpétuel devenir pour qui sait se l’approprier, ce qui est aussi le cas du groupe malien Tamikrest, qui se produira au fil le 22 avril. Dans la lignée de Tinariwen, les musiciens mêlent depuis une quinzaine d’années leurs influences berbères et touarègues au blues et au rock, créant une jonction entre les cultures, une rencontre inventive débordant de vie et d’énergie.

Tamikrest, comme les groupes du Bal Barré, se saisissent de leur héritage culturel pour en faire perdurer sa vivacité, éprouver son actualité intemporelle, et y incorporer leurs autres influences. Comme l’affirme le programmateur du fil, Julien Pickering, « les musiques traditionnelles et actuelles ne s’opposent pas du tout ; ce sont des tentatives d’étiquetage. On pourrait définir la musique actuelle comme celle qui arrive à avoir de l’écho chez les gens, qui arrive à trouver un public ». Le programmateur déplore la faible représentativité de ces musiques en SMAC, l’expliquant notamment par une prise de risque non négligeable de la part des salles, et exprime le désir d’en programmer davantage.

À l’image de la grande diversité des instrumentariums proposés lors de ces deux dates et de la richesse des croisements musicaux, ce sera aussi une rencontre entre différents publics, un croisement d’altérités où, comme le rappelle Julien Baratay, fervents adeptes de la culture trad’ comme néophytes,
« les gens dansent comme ils veulent ».

Luna Baruta

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