Le sexisme dans la musique : la fausse note qui perdure

Ce trimestre, le fil s’engage dans une programmation plus paritaire, une initiative trop rare dans un domaine encore empoisonné par le sexisme.
À la question posée à des femmes issues de l’univers de la musique : « Avez-vous, au cours de votre parcours, eu le sentiment de rencontrer des difficultés parce que vous étiez une femme ? », 81% répondent oui . Si à première vue, les chiffres observent une certaine parité femmes/hommes toutes fonctions confondues, les postes demeurent genrés, aussi bien chez les artistes que chez les techniciennes ou les autres métiers œuvrant pour les concerts.
Malgré des valeurs humanistes et militantes, les salles de musique n’échappent pas au sexisme et à la division sexuée du travail : parmi les postes permanents, 13% des femmes occupent celui de direction, 12% de programmation, 3% de postes techniques . C’est le fameux plafond de verre : non seulement les femmes se concentrent sur certains métiers (administration, communication et action culturelle), mais les postes à responsabilité leur sont majoritairement refusés. Celles qui, malgré tout, accèdent à un statut de cadre touchent 21% de moins qu’un homme sur le salaire annuel .
Du côté de la scène, les femmes représentent entre 15 et 20% des artistes programmé·e·s . « Tu joues bien pour une fille », « T’es dans un groupe, ça veut dire que tu chantes ? » Les stéréotypes ont la dent dure : les filles seraient moins douées, moins « techniques », alors qu’elles représentent la moitié des effectifs dans les conservatoires. La culture sur laquelle se sont fondées les salles est perçue comme virile et masculine : qui dit femme dit groupie, sûrement pas batteuse ou bassiste. L’entre-soi et le réseau favorisent des programmations majoritairement masculines et rien ne les encourage à investir ce monde dans lequel elles ne sont globalement pas bienvenues, voire exclues ou agressées. Positions de pouvoir, cooptation, réputation, sexualisation permanente du corps féminin, horaires tardifs, alcool… autant de facteurs qui font qu’une artiste sur trois et une professionnelle de la filière sur quatre ont déclaré avoir été agressées ou harcelées sexuellement . Les témoignages se multiplient, notamment recensés par le collectif #MusicToo ou des comptes comme DIVA, Balancetamajor ou Payetanote.
Intermittente ou permanente, une femme doit pour un même métier se battre perpétuellement pour qu’on la considère comme une professionnelle et non uniquement par le prisme de son genre. Le monde de la musique reproduit un sexisme systémique, sociétal. Préjugés, remarques soi-disant anodines, discriminations et violences sont les manifestations d’un même problème et il est urgent de s’organiser pour enfin sortir de ces sempiternels schémas. Des initiatives se créent au sein du mouvement HF ou de la Fédération des Lieux de Musiques Actuelles (FEDELIMA), à laquelle le fil appartient. Deux-tiers des structures souhaitent mettre en place des dispositifs pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles et une programmation mixte et équitable est de plus en plus défendue. C’est notamment en ce sens que le fil encourage le mouvement bien qu’il reste beaucoup à faire. Le 29 janvier, la soirée RHYTHM’N’GIRLS, en coproduction avec des futur·e·s professionnel·le·s de la musique, étudiant·e·s en Master à Saint-Étienne, réunira des actrices du secteur culturel autour d’une table ronde qui sera suivie des concerts de Tracy De Sá (hip-hop), Blys (fusion) et Kcidy (pop), trois artistes engagées.
Si les décisions et prises de position des structures sont urgentes et primordiales et demeurent une exigence de base, c’est aussi l’intérêt et l’affaire de tou·te·s de briser les mécanismes qui nous enferment, défaire les déterminismes et réinventer notre rapport à l’autre. Soyons critiques, attentif·ve·s, réactif·ve·s, exigeant·e·s. Libérons les paroles. Encourageons les filles à faire de la musique, soutenons les artistEs, allons les voir, parlons-en, programmons-les.
Luna Baruta

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